
Depuis des années, les débats sur l’utilisation du glyphosate font rage. Utilisée en tant qu’herbicide, cette substance chimique est efficace, mais au cœur de polémiques. Est-elle cancérigène pour l’humain ? Quel est son impact sur les sols et la biodiversité ? Rien n’est définitivement tranché à tel point que l’Union Européenne en a prolongé l’utilisation dans l’agriculture mais en a interdit sa présence dans les préparations pour les particuliers. Alors, un peu partout dans le monde, on étudie son remplacement par des produits naturels. C’est le cas à Gembloux. Et ça fonctionne !
10 ans de recherche
A Gembloux donc, le Laboratoire de Phytopathologie Intégrée et Urbaine de l’Agro-Bio Tech de l’Université de Liège n’a pas attendu la polémique récente sur le glyphosate pour étudier une alternative crédible. Le travail universitaire sur les huiles essentielles a duré des années et la société APEO, spin-off de l’ULiège, a vu le jour en 2021. « Les huiles essentielles sont connues et utilisées depuis des années dans le domaine paramédical, principalement pour lutter contre les champignons. D’où l’idée d’étendre le champ d’action à l’agriculture », explique le professeur Haissam Jijakli, cofondateur d’APEO. Mais entre l’idée et la commercialisation, il y a beaucoup de travail. « Il a d’abord fallu sélectionner les huiles essentielles, sur base de leur prix et de leur efficacité. De 3000, on a réduit les recherches à une centaine. On les a ensuite testées, en laboratoire puis sur le terrain pour ne sélectionner que les plus efficaces. ». Mais une huile doit être diluée avant d’être pulvérisée. Et comme elle ne se mélange pas à l’eau naturellement, il a fallu travailler sur une formulation efficace, permettant d’obtenir un produit prêt à l’emploi pour le particulier. Car c’est bien aux simples citoyens que s’adresse cet herbicide. Les besoins de l’agriculture sont différents et nécessitent un autre type de concentration, actuellement en développement.
Mais ne vous précipitez pas encore en magasin pour acheter de quoi tuer vos mauvaises herbes : l’homologation est en cours aussi bien aux USA qu’en Europe, avec une autorisation de commercialisation attendue respectivement pour 2026 et 2027. D’ici-là, APEO travaille sur un herbicide sélectif, qui ne s’attaquera qu’à certaines plantes et pas à d’autres, mais aussi sur un fongicide bien particulier.
Protéger les pommiers des champignons
Venturia inaequalis, c’est l’ennemi du pommier. Communément appelé tavelure, ce champignon se dépose sur les feuilles, formant des taches sombres qui empêchent la photosynthèse. Le pommier produit moins et les fruits peuvent aussi être touchés, parfois jusqu’aux lésions ouvertes. A l’heure actuelle, la seule solution est de pulvériser des produits chimiques, à raison de dix à quinze fois par an, en fonction de la météo.
Dans son laboratoire, Léopold Van den Berghe réalise sa thèse de doctorat sur un nouveau fongicide à base d’huiles essentielles. Il fait pousser des pommiers qu’il infecte ensuite avec la tavelure qu’il a cultivée. Il teste alors ses huiles essentielles à différents dosages et analyse les résultats, qui diffèrent souvent entre le laboratoire et le verger. Il lui reste trois ans pour finaliser sa thèse, mais les résultats sont encourageants et laissent présager une utilisation de fongicides naturels sur d’autres plantes comme le poirier ou la betterave.
On n’en est pas encore là, mais les recherches progressent, lentement mais scientifiquement. Car il faut non seulement que les huiles essentielles soient efficaces, pas trop chères et saines pour la faune, l’humain et l’environnement. Mais le jeu en vaut la chandelle car le simple marché des pesticides est estimé à plus de 53 milliards d’euros, dont les deux tiers sont aux mains de cinq multinationales.
Source : https://www.rtbf.be/