
Le plastique utilisé pour emballer carottes, endives, poires va-t-il disparaître ? Pour l’heure, les industriels se réjouissent du nouveau texte européen qui reporte l’interdiction à 2030.
Les industriels du plastique sont à l’offensive, et n’hésitent pas à attaquer sur les réseaux sociaux celles et ceux qui luttent contre le gaspillage. C’est ce qu’ont constaté plusieurs ONG et militants ces derniers jours. « Le lobby du plastique est en surchauffe sur les réseaux sociaux, écrit Jordan Allouche, fondateur d’Ecolobby, sur LinkedIn. À chaque prise de position contre le plastique à usage unique, il contre-attaque : moqueries, intimidations, messages agressifs. C’est à peine croyable. »
La profession se sentirait-elle menacée ? « Non, au contraire », estime le lobbyiste écologiste auprès de Reporterre. Les échanges restent cordiaux, les amabilités ironiques. « Très cher Jordan Allouche […], nous tenons à vous remercier car il n’y a pas plus grand honneur et plus grande jubilation pour nous que d’être critiqués par des gens comme vous, adversaires de l’industrie plastique ou de certains de ses secteurs ou applications (le contraire nous inquiéterait) », répond sur le réseau social Plastalliance, syndicat minoritaire de la filière plasturgie.
« Enterrement de première classe » de la loi Agec
Si ces fabricants de plastique sont euphoriques, c’est parce que le règlement européen relatif aux emballages et déchets d’emballages — désigné par le sigle anglais PPWR — est entré en vigueur le 12 février. Selon eux, ce texte empêche la France de mettre en œuvre ses « ambitions », comme la fin des emballages à usage unique en 2040 ou des conditionnements plastiques pour les fruits et légumes avant 2030, « sauf à se mettre dans l’illégalité ». Plastalliance conclut son message en parlant d’un « enterrement de première classe » de la loi Antigaspillage (Agec), dont on vient de fêter les cinq ans.
« Ce lobby essaie d’imposer son narratif sur le fait que PPWR enterrerait tous les objectifs ambitieux de notre loi Antigaspillage. Mais c’est mensonger », écrit sur LinkedIn Muriel Papin, déléguée générale de No Plastic in my Sea.
Prenons l’exemple des emballages en plastique des fruits et légumes. Certes, le texte européen fixe des règles un peu différentes de la loi Agec. « La France interdit les emballages “composés pour tout ou partie de matière plastique”, tandis que l’Union européenne cible ceux “en plastique” », explique Bénédicte Kjær Kahlat, responsable juridique à Zero Waste France. Autrement dit, l’interdiction française concerne plus de contenants, pas uniquement ceux en 100 % plastique. L’Europe ne prévoit une interdiction effective de ces contenants qu’à partir de 2030, alors que la France, précurseure sur cette question, l’impose en théorie depuis le 1er janvier 2022.
Une intense bataille juridique
En théorie. Car on continue à trouver en supermarché des carottes, des champignons, des poires, des endives ou encore des poivrons ensachés dans du plastique. La faute à une intense bataille juridique menée par les industriels du secteur contre le décret permettant d’appliquer la loi française. Ces derniers invoquent la fragilité des produits et le risque de détérioration pour justifier l’emballage : perte d’eau, flétrissement…
À deux reprises, les industriels du secteur ont ainsi attaqué le texte publié par le gouvernement. À deux reprises, le Conseil d’État leur a donné raison, une première fois en décembre 2022, parce que le texte outrepassait la loi ; une seconde fois en novembre 2024, car la France n’avait pas attendu le nouveau règlement européen sur les emballages. Plastalliance avait salué cette victoire, tout sourire, sur les réseaux. Résultat : aucun décret n’existe à ce jour.
Zero Waste France se veut optimiste sur la mise en œuvre de la loi nationale avant 2030. Le fait que celle-ci ait été adoptée avant le 1er janvier 2025 pourrait permettre de la préserver, malgré la nouvelle réglementation communautaire. « La loi européenne laisse suffisamment de marge de manœuvre aux États membres pour que la France publie sans délai un nouveau décret », estime aussi Bénédicte Kjær Kahlat.
De son côté, l’organisation lobbyiste compte bien tout faire pour repousser l’entrée en vigueur de l’interdiction française à 2030. « Le règlement PPWR est au-dessus de Agec dans la hiérarchie des normes. Un nouveau décret du type du 20 juin 2023 ? Vous pourrez compter sur nous pour l’annuler si d’aventure le gouvernement français souhaiterait une nouvelle fois passer en force sur la règlementation », avertit-elle. Voilà les adversaires du plastique prévenus.
Source : https://reporterre.net/