
Des chercheurs de Yale ont franchi une étape majeure en biologie synthétique. Ils ont réécrit le code génétique d’un organisme, ouvrant des perspectives inédites pour la médecine et l’industrie.
Cette avancée, publiée dans Nature, décrit la création d’un organisme génétiquement recodé (GRO) nommé ‘Ochre’. Ce dernier utilise un seul codon d’arrêt, permettant la production de protéines synthétiques aux propriétés novatrices. Ces protéines pourraient révolutionner les biothérapies et les biomatériaux.
Les scientifiques ont compressé les codons redondants en un seul, libérant ainsi des codons pour de nouvelles fonctions. Cette prouesse repose sur plus de 1 000 modifications précises du génome, un exploit sans précédent en ingénierie génomique.
Farren Isaacs et Jesse Rinehart, co-auteurs de l’étude, soulignent l’importance de cette plateforme technologique. Elle permet non seulement d’explorer la malléabilité des codes génétiques mais aussi de développer des applications industrielles bénéfiques pour la société.
Michael Grome, premier auteur de l’étude, compare les codons à des mots dans une recette génétique. En éliminant deux des trois codons d’arrêt, les chercheurs ont pu assigner de nouvelles fonctions à ces codons, permettant l’incorporation d’acides aminés non standards dans les protéines.
Cette recherche s’appuie sur des travaux antérieurs publiés dans Science en 2013. Elle représente une avancée significative vers la création d’un code génétique non redondant dans E. coli, un organisme idéal pour la production de protéines synthétiques.
Les applications potentielles de cette technologie sont vastes, allant de la réduction des réponses immunitaires indésirables à l’amélioration de la conductivité des biomatériaux. Isaacs et Rinehart collaborent avec Pear Bio, une spin-off de Yale, pour commercialiser ces biologiques programmables.
Cette étude marque un tournant dans notre capacité à manipuler le code génétique pour des applications médicales et industrielles. Elle ouvre la voie à une nouvelle génération de biothérapies et de biomatériaux, avec des implications profondes pour la santé humaine et la biotechnologie.
Qu’est-ce qu’un codon et comment fonctionne-t-il ?
Un codon est une séquence de trois nucléotides dans l’ADN ou l’ARN qui code pour un acide aminé spécifique, servant de bloc de construction pour les protéines. Il existe 64 codons différents, dont 61 codent pour les 20 acides aminés naturels, et trois servent de codons d’arrêt, signalant la fin de la synthèse des protéines.
Les codons fonctionnent comme des instructions dans le processus de traduction, où l’information génétique est convertie en protéines. Chaque codon correspond à un acide aminé spécifique, et l’ordre des codons dans un gène détermine l’ordre des acides aminés dans la protéine résultante.
La redondance du code génétique signifie que plusieurs codons peuvent coder pour le même acide aminé. Cette redondance offre une certaine flexibilité et résilience au code génétique, permettant des mutations silencieuses qui ne changent pas la séquence d’acides aminés de la protéine.
Dans cette étude, les chercheurs ont exploité cette redondance pour recoder le génome d’un organisme, en comprimant les codons redondants en un seul et en réaffectant les codons libérés à de nouvelles fonctions, comme l’incorporation d’acides aminés non standards dans les protéines.
Quelles sont les applications potentielles des protéines synthétiques?
Les protéines synthétiques, produites grâce à des organismes génétiquement recodés comme ‘Ochre’, ouvrent la voie à de nombreuses applications en médecine et en biotechnologie. Ces protéines peuvent être conçues pour avoir des propriétés uniques.
Dans le domaine médical, les protéines synthétiques pourraient être utilisées pour développer de nouveaux médicaments biologiques avec des effets secondaires réduits. Par exemple, en incorporant des acides aminés non standards, les chercheurs peuvent créer des protéines qui sont moins susceptibles de déclencher une réponse immunitaire indésirable chez les patients.
Dans l’industrie, les protéines synthétiques pourraient être utilisées pour créer des biomatériaux avec des propriétés améliorées, comme une meilleure conductivité électrique ou une résistance accrue. Ces matériaux pourraient avoir des applications dans des domaines allant de l’électronique à la construction.
Enfin, cette technologie pourrait également être utilisée pour explorer des questions fondamentales en biologie, comme la malléabilité du code génétique et les limites de la vie telle que nous la connaissons. En repoussant ces limites, les chercheurs pourraient découvrir de nouvelles voies pour la synthèse de protéines et la conception d’organismes.
Source : https://www.techno-science.net/