
Longtemps considérée comme uniforme, la destruction des écosystèmes terrestres lors de l’extinction permienne cache en réalité des exceptions. L’analyse d’un site en Chine révèle qu’un environnement préservé a permis à certaines formes de vie de traverser la crise et d’évoluer sans interruption.
Il y a 252 millions d’années, la Terre a traversé la plus grande extinction de masse de son histoire, anéantissant plus de 80% des espèces marines et transformant radicalement les écosystèmes terrestres. Pendant des décennies, les scientifiques ont considéré cette crise comme un événement d’effondrement total de la biodiversité. Pourtant, une découverte inattendue bouleverse cette vision : dans le bassin de Turpan-Hami, en Chine, un écosystème a résisté là où tout semblait condamné. Protégée par des conditions climatiques particulières, une végétation dense s’y est maintenue, offrant un refuge aux espèces survivantes. Cette résilience écologique interroge sur les mécanismes naturels qui permettent à la vie de perdurer face aux catastrophes planétaires.
Un refuge inattendu en pleine extinction
Durant l’extinction massive de la fin de l’ère du Permien, plus de 80% des espèces marines ont disparu, et les écosystèmes terrestres ont été profondément affectés. Les scientifiques ont longtemps supposé que cette catastrophe avait entraîné une destruction quasi totale de la biodiversité, aussi bien dans les océans que sur les continents. Pourtant, une étude publiée dans Science Advances remet en cause cette vision. Elle révèle qu’un écosystème terrestre a résisté à la catastrophe dans le bassin de Turpan-Hami, une région située dans l’actuelle province du Xinjiang, en Chine.
Contrairement aux théories dominantes, cette zone n’a pas connu un effondrement total des écosystèmes terrestres. Les chercheurs ont découvert qu’elle a servi de refugium, un sanctuaire où la végétation a perduré. Des fossiles de pollens et de spores, ainsi que des troncs et tiges de fougères intactes, le prouvent. La végétation n’a pas été balayée comme ailleurs. Cette découverte change la compréhension des extinctions. Elle montre qu’une partie de la flore terrestre a survécu et continué d’évoluer. Sans interruption majeure, elle a offert une base solide à la reconstruction de la biodiversité.
L’équipe de recherche, dirigée par des paléobotanistes du Nanjing Institute of Geology and Palaeontology, a mis en évidence que cette végétation était bien locale et non issue de dépôts sédimentaires transportés depuis d’autres régions. L’étude de ces microfossiles confirme que la flore du bassin de Turpan-Hami est restée en place pendant toute la durée de l’événement d’extinction et a permis un retour rapide des écosystèmes terrestres.
Les facteurs clés de cette résilience écologique
Loin d’être un simple hasard, la survie de cet écosystème repose sur plusieurs facteurs. L’analyse des sédiments et du pollen fossile a révélé des indices clés. Un modèle de datation, conçu par les chercheurs de la Missouri University of Science and Technology, a permis d’affiner les résultats. Il montre que cette région a bénéficié d’un climat stable pendant toute la période de l’extinction.
Le facteur clé de cette résilience est la stabilité du climat semi-humide. Avec environ 1000 mm de pluie par an, le bassin de Turpan-Hami a maintenu une végétation dense. D’autres régions ont subi des sécheresses extrêmes ou des pluies acides, conséquences des éruptions volcaniques massives en Sibérie. Cette humidité constante a donc protégé les plantes et offert un refuge aux espèces animales rescapées.
La végétation stable a influencé directement la faune locale. Moins de 75 000 ans après l’extinction, la région comptait déjà une grande diversité de tétrapodes. Parmi eux, Lystrosaurus, un herbivore robuste, a prospéré après la crise. À ses côtés, des carnivores comme les chroniosuchiens ont trouvé refuge dans cet écosystème. Ensemble, ils ont formé un réseau trophique structuré. Cette découverte contredit l’idée que la reconstruction d’un écosystème complexe prend des millions d’années après une extinction de masse.
Les paléontologues ont aussi étudié l’influence du bassin de Turpan-Hami, proche des zones volcaniques sibériennes. Contrairement aux attentes, cette proximité ne fut pas destructrice. Les caractéristiques géologiques ont atténué l’impact des cendres toxiques et des pluies acides. Ainsi, la région est restée une enclave protégée où la biodiversité a pu survivre.
Une leçon pour la préservation des écosystèmes actuels
Les découvertes faites dans le bassin de Turpan-Hami apportent des enseignements cruciaux sur la capacité des écosystèmes à résister à des catastrophes climatiques et environnementales extrêmes. L’étude, relayée par EurekAlert, met en évidence un phénomène clé : la résilience écologique, c’est-à-dire la capacité d’un environnement à se régénérer après une crise majeure.
Aujourd’hui, de nombreux scientifiques alertent sur le risque d’une sixième extinction de masse, causée cette fois par l’activité humaine. La destruction des habitats naturels, la pollution et le changement climatique menacent de nombreuses espèces. Comprendre comment certains écosystèmes du passé ont survécu à des extinctions majeures permet d’identifier des zones de résistance qui pourraient jouer un rôle clé dans la conservation des espèces modernes.
Les chercheurs affirment que la géographie et le climat influencent fortement la préservation de la biodiversité. Ces éléments locaux jouent un rôle clé face à la crise écologique mondiale. Certaines régions pourraient ainsi devenir des refuges naturels contre les bouleversements climatiques. Les identifier et les protéger devient alors une priorité. Préserver ces sanctuaires pourrait limiter les effets de la crise actuelle. Cette approche offrirait une chance supplémentaire à de nombreuses espèces menacées.
En analysant les conditions qui ont permis la survie de cet écosystème au Permien, les paléontologues offrent ainsi une perspective inédite sur les stratégies que la nature peut déployer pour préserver la vie face aux catastrophes planétaires.
Source : https://www.science-et-vie.com/