
Deux fois par mois, la journaliste Catherine Handfield répond aux questions de lecteurs en matière de santé et de bien-être.
Quels sont les effets toxiques associés à un excès de vitamine D ?
Lorsqu’on pense à la vitamine D, on pense spontanément au manque, à la carence. Après tout, près d’un Canadien sur trois n’a pas assez de vitamine D dans le sang. La Presse a consacré un article au sujet la semaine dernière1.
Mais à l’autre bout du spectre, il y a aussi des gens… qui en ont trop. C’est le cas d’environ 4 % de la population canadienne, selon les plus récentes estimations de Santé Canada (2016-2019). Le groupe d’âge le plus à risque ? Les personnes de 60 ans et plus. Ces gens pourraient potentiellement avoir des effets indésirables, sur différents plans. « C’est important de les mentionner », nous fait remarquer à juste titre notre lecteur Benoit Poulin.
Contrairement aux vitamines C et B, qui s’éliminent dans l’urine, la vitamine D est « liposoluble » : elle peut s’accumuler dans les graisses de l’organisme. « Quand on perd du poids, ou juste avec la circulation du sang, cet excès de vitamine D peut être lâché dans le sang : c’est là qu’on se retrouve avec des problèmes », explique Isabelle Bilodeau, pharmacienne de la Direction de la santé environnementale, au travail et de la toxicologie pharmacienne à l’Institut national de santé publique du Québec.
Trop peu de vitamine D peut être nocif pour la santé… mais trop de vitamine D aussi. « C’est une courbe en U, comme beaucoup d’autres nutriments, résume May Faraj, professeure à l’Université de Montréal et chercheuse à l’Institut de recherches cliniques de Montréal. Les Canadiens doivent s’assurer d’en prendre les bonnes quantités. »
Trop de calcium
La vitamine D aide l’organisme à absorber le calcium, ce qui en fait une alliée majeure à la santé des os. Par contre, lorsqu’on prend trop de suppléments de vitamine D, on peut se retrouver… avec trop de calcium dans le sang. « Selon le taux de calcium disponible dans le sang, on peut avoir un continuum d’effets indésirables », explique la pharmacienne Isabelle Bilodeau.
Les gens peuvent ressentir des nausées, des vomissements, de la constipation, une perte d’appétit, de la faiblesse, énumère-t-elle. Dans les cas les plus graves, « on peut avoir des problématiques d’arythmie cardiaque, d’insuffisance rénale, des cristaux de calcium qui se forment au niveau des reins », poursuit Isabelle Bilodeau.
Heureusement, les cas d’intoxication sont rares. Depuis le début de l’année 2024, le Centre antipoison du Québec a reçu 201 appels liés à la prise de vitamine D (la plupart concernaient de jeunes enfants). Du nombre, cinq ont été évalués comme pouvant potentiellement causer des toxicités, indique Isabelle Bilodeau. « Ce n’est pas impossible, mais c’est quand même difficile de s’intoxiquer à la vitamine D », dit-elle.
En 2018, des chercheurs du pays de Galles ont répertorié 44 études à propos de cas d’intoxication à la vitamine D dans le monde. Effectivement, les doses quotidiennes associées à ces cas d’intoxication sont faramineuses : 50 000 unités internationales par jour (UI), 80 000 UI par jour, même plus. « Et il faut consommer ces doses pendant plusieurs jours pour en venir à dépasser notre seuil toxique », précise Isabelle Bilodeau.
Les gens qui se sont intoxiqués avaient donc consommé des doses quotidiennes beaucoup plus élevées que celles recommandées par Santé Canada (400 UI par jour à partir de 51 ans) ou par l’Association canadienne de dermatologie (800 UI à 2000 UI par jour, pour les adultes). Des médecins peuvent prescrire d’autres posologies de vitamine D pour certaines indications, ou encore une dose plus élevée (comme 10 000 UI) à prendre une fois par semaine, indique la pharmacienne Isabelle Bilodeau.
Après l’âge de 9 ans, l’apport maximal tolérable par jour est de 4000 UI. « Mais je ne verrais pas de bénéfices supplémentaires à l’utilisation d’une dose se situant entre 2000 UI et 4000 UI par jour comparativement à une dose plus faible », indique Isabelle Bilodeau.
Comment des gens en viennent-ils à s’intoxiquer ? Les chercheurs au pays de Galles ont identifié différentes causes. Certaines personnes ont mal utilisé des produits en vente libre, d’autres ont été victimes d’une erreur d’ordonnance, et d’autres encore ont consommé des produits mal contrôlés, qui contenaient en réalité beaucoup plus de vitamine D qu’indiqué. « Les suppléments, en général, peuvent contenir des niveaux plus élevés ou plus bas que ce que l’étiquette indique, parce qu’ils ne sont pas réglementés comme les médicaments, même s’ils devraient l’être », souligne la chercheuse May Faraj.
Isabelle Bilodeau conseille d’acheter ses suppléments de vitamine D en pharmacie, en non en ligne, et de vérifier qu’ils détiennent un numéro de produit naturel (NPN). La présence de ce numéro sur l’emballage indique que Santé Canada a examiné l’innocuité et la qualité du produit et en a autorisé la commercialisation. « Et n’hésitez surtout pas à poser vos questions à votre pharmacien », conclut-elle.
Quelles sont les recommandations de Santé Canada ?
De 2 à 50 ans : vous pouvez soit consommer des aliments contenant de la vitamine D tous les jours, soit prendre un supplément chaque jour contenant 10 microgrammes (μg) (400 UI) de vitamine D.
51 ans et plus : prenez un supplément chaque jour contenant 10 μg (400 UI) de vitamine D tout en continuant à consommer des aliments contenant de la vitamine D dans le cadre d’une alimentation saine.
L’apport quotidien total recommandé est de 15 μg (600 UI) de vitamine D par jour de 1 an à 70 ans, et de 20 μg (800 UI) après 70 ans.
Source : https://www.lapresse.ca/