Autrefois considérés comme une espèce à part, les buissons d’algue brune retrouvés sur une vaste superficie rocheuse bordant le nord de la mer Baltique appartiennent en fait à un unique « clone géant » de fucus vésiculeux femelle, peut-être le plus grand au monde (université de Göteborg)
Le fucus vésiculeux est connu pour former de vastes « forêts marines« qui s’étendent depuis la surface de l’eau jusqu’à une profondeur de 10 mètres. Refuge crucial pour les nombreux alevins, escargots de mer et crustacés venant s’y abriter, cet habitat fournit également des ressources indispensables aux poissons adultes.
Cependant, l’existence de cet écosystème aquatique est menacée de manière croissante par les effets du changement climatique. C’est pourquoi les scientifiques réalisent des « cartographies génétiques » des fucus et d’autres algues brunes, afin d’en identifier les différentes espèces et populations à travers le monde.
Dans les eaux saumâtres de la mer Baltique, il existe une algue capable de tolérer la faible salinité ambiante. Grâce au séquençage de l’ADN, une équipe suédoise a découvert que des touffes d’algues jusqu’ici considérées comme une espèce distincte, appelée fucus étroit (Fucus radicans), constituaient en réalité un unique clone de fucus vésiculeux (Fucus vesiculosus).
Plus de 500 km de côte
La Baltique « entre dans une période où l’eau de mer devient à la fois plus chaude et encore moins salée. Dans ces nouvelles conditions, toutes les espèces doivent essayer de s’adapter pour survivre », explique la professeure Kerstin Johannesson dans un communiqué de l’université de Göteborg (Suède), coauteure d’une étude parue le 17 février dans la revue Molecular Ecology (R.T. Pereyra et al., 2025).
Le clone identifié par son ADN s’étend au nord de la mer Baltique sur plus de 500 kilomètres de côte. Il pourrait ainsi s’agir du plus grand clone de fucus vésiculeux, voire du plus grand clone d’algue brune, au monde.
En règle générale, l’espèce se compose de spécimens mâles et femelles séparés, qui forment normalement de nouveaux individus à l’issue d’une fécondation sexuelle. Dans ce cas précis, en revanche, une algue femelle a probablement répandu ses propres fragments au gré des courants marins, donnant naissance à de nouveaux individus dotés d’un patrimoine génétique identique au sien.
Avenir incertain
« Ce clone comprend des millions d’individus et, dans certaines zones, il est complètement dominant, tandis que dans d’autres, il pousse à côté d’individus qui se propagent sexuellement », explique Ricardo Pereyra, premier auteur de l’étude. Le chercheur va jusqu’à qualifier cet ensemble de « véritable superfemelle. »
Confrontés aux bouleversements environnementaux actuels, les clones d’algues tels que celui-ci sont toutefois confrontés à un avenir incertain. En effet, en l’absence de reproduction sexuelle constante, très peu de changements se produisent au sein de l’ADN et il y a donc peu d’adaptations génétiques possibles.
« Un clone est presque totalement dépourvu de la variation génétique qui, dans une population, permet de s’assurer qu’il existe des individus capables de faire face aux changements et d’assurer la survie de l’espèce », souligne Kerstin Johannesson.
Source : https://www.geo.fr/