

L’Espagne et le Maroc sont les meilleurs amis du monde, avec un partenariat économique très solide. Par ailleurs Madrid a pris fait et cause pour Rabat sur un dossier de la plus haute importance : la marocanité du Sahara occidental. Ce qui avait valu à l’Espagne des fâcheries avec le premier soutien des indépendantistes sahraouis, l’Algérie. L’union sacrée entre les chancelleries marocaine et espagnole pourrait être malmenée prochainement par les tomates…
Les producteurs français se plaignent de la rude concurrence que leur impose la tomate marocaine, très compétitive et de qualité (les ressources hydriques le payent cher), c’est au tour des producteurs espagnols de pointer du doigt le produit marocain. Dans l’Union européenne (UE) le Maroc est le plus gros concurrent de l’Espagne sur le marché des tomates. Les opérateurs espagnols ont tenté d’abattre la tomate marocaine en passant par la fiscalité. Maintenant ils s’en prennent à sa traçabilité.
En Espagne les tirs sont venus de la Coordination des organisations d’agriculteurs et d’éleveurs (COAG), l’ennemie jurée de la tomate marocaine. D’après les informations reprises par le journal spécialisé Freshplaza, le groupement accuse les exportateurs marocains d’acheminer vers l’UE des tomates cerises produites au Sahara occidental sous l’étiquette «Origine Maroc».
D’après la COAG, ce «flou» est entretenu dans certaines enseignes de distribution européennes, qui ne font pas la distinction entre les produits originaires du Maroc et ceux du territoire revendiqué par le royaume mais qui fait l’objet d’un litige depuis 50 ans. «Ce n’est pas une simple erreur logistique. C’est une stratégie qui contribue à brouiller l’origine des produits», clame Andrés Góngora, responsable des fruits et légumes à la COAG.
Il dénonce une pratique qui «fausse la concurrence avec les producteurs espagnols», qui eux sont lestés par des normes strictes en matière de traçabilité. L’organisation demande un renforcement de la surveillance sur les produits importés, notamment ceux cultivés dans les régions sujettes à des tensions géopolitiques. La position de la COAG est renforcée par des verdicts rendus par la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) en octobre 2024…
D’après la juridiction européenne le Sahara occidental a un statut de territoire «distinct» du Maroc, et aucune souveraineté ou mandat d’administration n’est reconnu à ce dernier. En conséquence la CJUE avait rayé d’un trait les décisions du Conseil de l’UE validant les accords de 2019 sur les produits agricoles et la pêche, «faute de consentement du peuple sahraoui».
«En tant que produits importés dans l’Union européenne, les melons et les tomates récoltés au Sahara occidental doivent indiquer leur pays d’origine en vertu de la réglementation de l’Union. Cette mention doit nécessairement figurer sur les produits et ne doit pas être trompeuse, raison pour laquelle leur étiquetage doit indiquer le Sahara occidental comme étant leur pays d’origine», avait ajouté la cour européenne.
Les opérateurs espagnols reprennent presque le même angle d’attaque que celui utilisé en 2024 par la Confédération paysanne en France. Ce syndicat d’agriculteurs avait interpellé les ministres de l’Agriculture et de l’Économie pour bannir les importations de melons et de tomates originaires du territoire du Sahara occidental, car «étiquetés à tort comme provenant du Maroc».
Les producteurs français exigeaient également «un étiquetage clair distinguant les produits du Sahara occidental de ceux du Maroc, afin de respecter le droit international et ne pas induire en erreur les consommateurs dans leurs décisions d’achat».
Certes les arrêts de la CJUE musclent les arguments des détracteurs de la tomate mais leur application n’est pas immédiate. Pour la justice européenne il s’agit aussi d’éviter les dommages d’une cessation abrupte des relations commerciales. Raison pour laquelle l’annulation des décisions du Conseil de l’UE relatives aux accords de 2019 a été renvoyée au 5 novembre prochain.
Donc légalement même les importations en provenance du Sahara occidental peuvent prétendre au traitement de faveur accordé au Maroc. Mais après le 5 novembre 2025 ce sera une toute autre histoire. En attendant les tomates et melons cultivés dans cette région très disputée atterrissent dans la ville d’Agadir, puis sont emballés sur place ensuite direction le marché communautaire de l’UE, d’après les données de la Commission européenne.
Source : https://www.tunisienumerique.com/