
Une équipe de recherche dirigée par des scientifiques japonais a identifié un tissu végétal inconnu, ce qui n’était pas arrivé depuis 160 ans. Cette structure essentielle à la formation des graines a été nommée « passage de Kasahara » en hommage à l’un de ses découvreurs (université de Nagoya).
Inspiré d’un conte oriental (« Les Trois Princes de Serendip », où ‘Serendip’ désigne le Sri Lanka), le terme de « sérendipité » désigne le « don de faire par hasard des découvertes fructueuses » (Académie française). L’un des exemples les plus célèbres est celui de l’Écossais Alexander Fleming, qui découvrit la pénicilline après avoir laissé moisir accidentellement ses boîtes de cultures.
Cette expression semble également pertinente pour décrire la récente découverte réalisée par des scientifiques japonais, publiée le 7 avril dans la revue Current biology (X. Liu et al., 2025).
En effet, le professeur Ryushiro Kasahara (université de Nagoya) avait coloré des graines pour observer le dépôt de callose, une substance cireuse couramment étudiée en raison de son association avec la fertilisation végétale, afin de vérifier les résultats d’une étude antérieure. C’est alors qu’il a observé un phénomène inattendu…
Des signaux détectés du côté opposé à celui du pollen
« Les plantes se fécondent par l’insertion d’un tube pollinique (tube émis par le grain de pollen pour transporter les gamètes mâles jusqu’aux ovules, NDLR), de sorte que la plupart des scientifiques ne s’intéressent qu’à l’endroit où cela se produit. Cependant, nous avons également trouvé des signaux du côté opposé », explique le chercheur dans un communiqué.
Je me souviens avoir été surpris, surtout lorsque nous avons compris que ce signal était particulièrement fort lorsque la fécondation échouait, témoigne-t-il.
À l’aide d’une analyse plus poussée, l’équipe a distingué un tissu végétal fonctionnant comme une sorte de « passerelle ». Baptisée « Passage de Kasahara » (Kasahara Gateway), cette structure – dont la forme rappelle une silhouette de lapin – représente ainsi le « premier tissu végétal nouvellement identifié depuis le milieu du XIXe siècle. »
« État fermé » versus « état ouvert »
Le signal observé par Kasahara résulte en fait du dépôt de callose, qui bloque le flux de nutriments et d’hormones végétales dans les graines non fertilisées. La fermeture des « passerelles » aboutit au fait que les graines ne reçoivent pas de nutriments et meurent – c’est ce que les chercheurs ont appelé « l’état fermé ».
En revanche, lorsque la fécondation par le pollen a lieu, l’hypocotyle (lieu de stockage des réserves nutritives dans la graine, chez certaines espèces végétales) détecte ce succès et dissout la callose, ce qui permet aux nutriments de circuler dans la graine et d’en favoriser la croissance (« état ouvert »).
« Lorsque le flux de nutriments a été comparé entre les embryons végétaux fécondés avec succès et ceux non fécondés, nous avons constaté que l’afflux de nutriments n’était observé que dans les premiers, alors qu’il était complètement bloqué dans les seconds », détaille le Pr Kasahara. « Cela limite la quantité de ressources gaspillées pour des graines non viables », suggère-t-il.
Des graines jusqu’à 16,5 % plus grosses
Cette transition entre un « état ouvert » et un « état fermé » suggérait l’existence d’une régulation génétique. Les chercheurs ont donc examiné des hypocotyles de plantes fécondées, ce qui leur a permis d’identifier un gène – appelé AtBG_ppap – impliqué dans la dissolution de la callose. Ainsi, en manipulant l’expression de ce gène, ils ont pu obtenir un « état ouvert » permanent.
« Nous nous sommes alors rendu compte que le fait de maintenir la passerelle ouverte en permanence pouvait permettre d’agrandir les graines », souligne Kasahara. « Lorsque nous avons testé cette théorie avec des graines de riz, nous avons obtenu des graines 9 % plus grosses. Avec des graines d’autres espèces, nous avons réussi à obtenir des augmentations allant jusqu’à 16,5 % », compare-t-il.
Pour les auteurs, ces résultats représentent par conséquent une « avancée significative » dans l’amélioration des semences à travers la sélection végétale. Ceux-ci envisagent en effet la possibilité « d’accroître considérablement » les rendements des cultures agricoles les plus importantes.
Source : https://www.geo.fr/