La méthanisation agricole connaît aujourd’hui une forte croissance, parce que le procédé offre un certain nombre d’avantages. Mais dans son déploiement, il faudra garder à l’œil quelques points d’attention signalés par les experts.
Il est de coutume de raconter que l’histoire de la méthanisation remonte à la fin du XVIIIe siècle, lorsque le physicien et chimiste italien Alessandro Volta découvre que la vase en putréfaction émet du méthane (CH4). Toutefois, la première application du principe n’apparaît qu’une centaine d’années plus tard. En Inde. Avec l’objectif, déjà, de produire… du carburant pour véhicule !
Aujourd’hui, dans le contexte de changement climatique, certains scénarios prospectifs proposent de remplacer à l’horizon 2050, 100 % du gaz fossile circulant sur le réseau français par du gaz produit par méthanisation. Parce que la méthanisation en général et la méthanisation agricole en particulier, c’est un procédé biologique de dégradation de la matière organique en absence d’oxygène. Un procédé qui produit du biogaz qui peut être épuré pour devenir un vecteur d’énergie, le biométhane. Un gaz non seulement renouvelable et qui émet beaucoup moins de dioxyde de carbone (CO2) que son cousin, le gaz fossile, mais aussi produit localement – offrant du même coup, la possibilité aux exploitants, pour le cas de la méthanisation agricole, de diversifier leurs revenus. Ce sont les premiers de ses avantages.
La méthanisation agricole, beaucoup de points forts
En France, la méthanisation connaît ainsi depuis quelques années une croissance importante. Sa production a été multipliée par sept entre 2007 et 2019. Et la plupart des unités de méthanisation sont agricoles. Comprenez qu’elles sont alimentées par des déchets agricoles – la diminution de la quantité de déchets à traiter, encore un avantage du procédé et en réalité, son but premier. D’autres pouvant recevoir des déchets ménagers, des boues de stations d’épuration ou encore des déchets de restauration.
Une étude menée en 2020 par l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) démontre par ailleurs que la plupart des indicateurs environnementaux sont améliorés lorsqu’une unité de méthanisation agricole est mise en œuvre. L’impact sur le réchauffement climatique est réduit de plus de 70 % et celui sur l’épuisement des ressources énergétiques de quelque 65 %. Avec des avantages encore plus marqués sur l’élevage que sur les cultures. Notamment parce que les déjections animales ne sont alors stockées que quelques jours en extérieur. Alors que sans méthanisation, elles émettent toutes sortes de gaz – du CO2, du méthane (CH4) ou encore de l’ammoniac (NH3) et du protoxyde d’azote (N2O) – et de particules fines dans l’atmosphère pendant plusieurs mois.
Ces avantages sont aussi le résultat de l’utilisation du digestat – produit par la méthanisation agricole en même temps que le biogaz – pour la fertilisation des sols. De quoi diminuer le recours à des engrais chimiques et renforcer l’autonomie des exploitations. Pour optimiser les effets positifs, les scientifiques recommandent toutefois de couvrir le stockage de digestat liquide ou de l’épandre par enfouissement direct dans le sol. Ils soulignent aussi l’intérêt des cultures intermédiaires à vocation énergétique – comme l’avoine, le seigle, le trèfle ou la moutarde – plantées entre deux cultures à destination alimentaire. Elles permettent d’améliorer encore les bénéfices de la méthanisation agricole.
La méthanisation agricole, pas la solution miracle
Malgré tous ces bénéfices, la méthanisation agricole ne doit pas être vue comme la solution miracle à tous nos problèmes.
Quelques points d’attention sont soulevés par les experts. Par exemple, celui de la nécessité d’assurer la disponibilité en local – pour limiter le va-et-vient de camions de livraison – des déchets agricoles sur la durée pour que la filière soit rentable. Parce que l’installation demande des investissements conséquents et que son fonctionnement coûte aussi plutôt cher.
Certains riverains se plaignent de l’esthétique des méthaniseurs. Et de l’odeur qui se dégage des plus anciens ou des moins bien conçus. Des incidents sur les méthaniseurs peuvent, par ailleurs, être à l’origine de pollutions. Et plus généralement, certains craignent que la méthanisation devienne l’activité principale d’exploitations qui délaisseraient alors leurs cultures alimentaires. Sans parler du risque de voir de grands groupes s’emparer des terres à cet effet.
Ainsi, comme c’est le cas pour toutes les technologies, la méthanisation agricole devrait être développée de manière réfléchie et encadrée. Sans faire oublier les autres transformations qui seront nécessaires à rendre le secteur agricole plus durable.
Source : https://www.futura-sciences.com/