
Sous prétexte d’implanter leurs plantations à la place de forêts déjà exploitées pour leur bois, les industriels de l’huile de palme prétendent réduire leur impact en termes de déforestation. Or, une nouvelle étude montre que la conversion agricole nuit davantage à la biodiversité par rapport à l’abattage sélectif d’arbres (université d’Oxford)
De l’huile de palme sur le feu… Le 6 janvier, le président indonésien Prabowo Subianto a confié au média The Jakarta Post son souhait de mettre fin à un moratoire en vigueur depuis 2011 interdisant la délivrance de nouveaux permis et de licences de développement de plantations de palmiers à huile dans le pays.
L’Indonésie étant le premier producteur mondial de cette denrée utilisée dans les biocarburants ainsi que dans l’industrie agroalimentaire et cosmétique, avec 55 millions de tonnes en 2023, faut-il alors craindre un rebond de la déforestation ? « Prabowo aurait été informé par ses ministres de l’existence d’une vaste zone dégradée pouvant être convertie en plantations de palmiers à huile », rassure l’article.
Sous prétexte d’implanter leurs plantations de palmiers dans des forêts déjà exploitées pour leur bois plutôt que dans des forêts intactes, les thuriféraires de l’huile de palme prétendent ainsi réduire leur impact sur l’environnement. En réalité, une nouvelle étude de l’université d’Oxford montre que la conversion agricole nuit davantage à la biodiversité par rapport à l’abattage sélectif d’arbres.
Une abondance et une diversité réduites dans les plantations
Les auteurs de cette étude publiée le 9 janvier dans la revue Science ont examiné plus de 80 paramètres décrivant la structure, la biodiversité et le fonctionnement de l’écosystème, depuis les nutriments du sol et le stockage du carbone jusqu’aux taux de photosynthèse et au nombre d’espèces d’oiseaux et de chauves-souris présentes.
Ces paramètres ont été mesurés sur des sites d’étude répartis à travers trois régions du Sabah, sur la partie malaisienne de l’île de Bornéo. Il s’agissait soit de forêts anciennes non perturbées, soit de forêts exploitées (modérément ou fortement), soit de forêts exploitées pour leur bois avant d’être converties en plantations de palmiers à huile.
Au total, si l’exploitation forestière et la conversion agricole affectent une soixantaine de paramètres de l’écosystème, la seconde provoquerait des effets « plus importants » sur la biodiversité, compare l’étude.
En effet, les espèces d’oiseaux, de chauves-souris, de bousiers, d’arbres, de lianes et de micro-organismes du sol ont toutes vu à la fois leur abondance et leur diversité davantage réduites dans les plantations – probablement en raison de changements au niveau des ressources nutritives des plantes ainsi qu’à cause des micro-climats chauds et secs se formant sous les palmiers à huile.
Pas de quoi rayer ces forêts de la carte
Par conséquent, les forêts exploitées pour leur bois ne devraient en aucun cas être « rayées de la carte », puisqu’elles peuvent encore s’avérer précieuses pour le maintien de la biodiversité, conclut l’étude.
Si « les forêts anciennes et intactes sont uniques », souligne dans un communiqué le Pr Ed Turner (université de Cambridge), qui a co-dirigé l’étude, « les forêts exploitées sont également précieuses et importantes en termes de biodiversité et de fonctionnement des écosystèmes par rapport aux niveaux très réduits observés dans les plantations de palmiers à huile qui les remplacent de plus en plus. »
À l’échelle internationale, le combat autour de l’huile de palme fait rage. Dans le cadre de la directive « Red II », l’Union européenne a décidé que le biocarburant à base d’huile de palme n’entrerait pas en compte dans ses objectifs concernant l’utilisation des énergies renouvelables en 2030, ce qui devrait aboutir à restreindre son usage, a relaté Sciences et Avenir le 10 janvier.
Face à l’Indonésie, qui jugeait ces restrictions « discriminatoires » et risquant de pousser vers la pauvreté des milliers d’agriculteurs, le groupe d’experts de l’Organe de règlement des différends (ORD) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) vient de donner en partie gain de cause à l’UE.
Source : https://www.geo.fr/