
Un long format diffusé en exclusivité sur Auvio alerte sur le recours irraisonné aux huiles essentielles. De plus en plus de consommateurs les trouvent pourtant efficaces contre les petits maux du quotidien. Mais ces huiles que l’on étale sur la peau, que l’on avale et que l’on respire sont-elles vraiment sans risque ? Une mise au point s’impose.
L’aromathérapie a bonne réputation. Ses adeptes lui trouvent ce petit côté rassurant que l’on ne saurait démentir. Premièrement parce que ça sent bon la nature et que c’est en vente libre. Ensuite parce que de plus en plus d’utilisateurs trouvent satisfaisant de zigzaguer entre des dizaines d’huiles différentes, tout en les combinant à souhait.
Sans vouloir casser l’ambiance à tout prix, le film de Ludivine Favrel nous fera ouvrir les yeux sur les risques d’une potentielle mauvaise utilisation d’un produit. Tout naturel qu’il soit, il doit être utilisé à bon escient. Ce qui fera d’ailleurs dire à professeur de chimie des substances naturelles de l’université Paris-Saclay, que « ce n’est pas parce qu’un produit est d’origine naturelle qu’il est forcément bon pour la santé. »
Il ajoute : « Le fait de consommer des huiles essentielles quotidiennement surtout en l’absence de besoins spécifiques me semble peu rationnel. »
Revenons donc aux fondamentaux. Quand on achète une fiole d’huile essentielle, on achète un produit distillé. Il renferme un maximum de substances actives dans un minimum de volume. Une seule goutte peut à elle seule contenir une multitude de ces principes actifs.
L’expérience malheureuse d’un musicien gêné par un gros rhume est à ce titre éloquente. Guidé par la certitude de pouvoir se soigner par un produit d’origine naturelle, il inhale des huiles essentielles, augmentant les doses pures jusqu’au moment où il « sent quelque chose ». Résultat : 8 mois de migraine et une sinusite désormais chronique. « Je n’avais pas conscience d’être tenu de lire une notice ou de diluer le produit. Je pensais que c’était doux. »
Trop de dosages dissemblables
Pour autant, le consommateur distrait ou mal informé n’est pas le seul à blâmer. Une professeure et chercheuse à l’ULB a comparé plusieurs fioles d’huiles essentielles de thym, utilisées pour combattre les inflammations respiratoires. Quand le premier contenant est quasi translucide, à peine jaunâtre, l’autre est rouge foncé. De quoi déjà soupçonner des dosages dissemblables.
Au moment de comparer la teneur en thymol, la molécule principale aux vertus antiseptiques, là aussi les résultats sont en yo-yo. « Sur la dizaine de fioles testées, une seule huile respecte les concentrations admises par la pharmacopée européenne. Toutes les autres sont au-dessus », indique Florence Souard. « Parfois la prise d’une trop grande quantité, qui plus est sur la durée, peut devenir toxique ». Dans ce cas-ci, la toxicité hépatique peut survenir.
Le cas des compte-gouttes, qui ornent les bouchons des flacons, n’est pas plus rassurant. Selon le modèle proposé par un fabricant, le compte-goutte sera plus ou moins volumineux. Comprenez : vous ne prendrez jamais vraiment la même dose. « C’est aberrant. Un utilisateur prendra une dose, l’autre, une moitié en plus. Imaginez si l’on faisait cela avec du paracétamol, par exemple ! « , s’interroge Aline Mercan, médecin généraliste et phytothérapeute.
On retiendra aussi de cette enquête que ces huiles ne sont pas des médicaments. Cette absence de statut ne soumet pas les huiles essentielles aux mêmes règles en termes d’efficacité ou de toxicité, par exemple. Aymeric Dopter, chef de l’unité des risques liés à la nutrition, à l’Anses : « On ne peut pas démontrer l’efficacité des huiles essentielles sur l’être humain. Tant qu’il n’y a pas d’essais cliniques menés à grande échelle ».
Une dizaine d’études scientifiques sur l’aromathérapie sont en cours en France pour peut-être rendre ces huiles vraiment essentielles.
Source : https://www.rtbf.be/