
Produition 2024-2025 : entre 80.000 et 90.000 tonnes, soit environ 2 litres par habitant
L’Algérie dispose de tous les atouts pour s’imposer comme un acteur majeur du marché international de l’huile d’olive. Avec son savoir-faire ancestral et un terroir propice à l’oléiculture, la filière poursuit son essor et gagne en dynamisme. Pour franchir un nouveau cap, son développement repose sur une meilleure organisation, une valorisation accrue du produit et une stratégie tournée vers l’exportation. Akli Moussouni, expert agronome au sein du cabinet CIExpert, estime que le développement de chaînes de valeur et une stratégie nationale cohérente sont les clés pour stabiliser et dynamiser la filière, tout en renforçant sa compétitivité afin de révéler pleinement son potentiel.
El Moudjahid : Peut-on évaluer la production d’huile d’olive en Algérie et quelles sont les enjeux de son développement ?
Akli Moussouni : L’évaluation de la production nationale d’huile d’olive en Algérie demeure une tâche complexe en raison de l’absence d’un mécanisme structuré de gestion et de suivi des données dans cette filière. Contrairement aux céréales, dont la production est centralisée via l’Office algérien interprofessionnel des céréales (OAIC) et les Coopératives de céréales et de légumes secs (CCLS), l’huile d’olive ne fait l’objet d’aucun dispositif de collecte systématique des chiffres de production. Les estimations avancées par les services agricoles, relayées par la presse, restent souvent théoriques et ne reflètent pas toujours la réalité du terrain. En effet, les propriétaires d’huileries ne sont pas soumis à des obligations de déclaration, ce qui rend difficile l’obtention de statistiques précises. Pour la campagne 2024-2025, les projections officielles situent la production entre 80.000 et 90.000 tonnes, ce qui reviendrait à une moyenne d’environ 2 litres d’huile d’olive par habitant, une estimation jugée peu réaliste par de nombreux acteurs du secteur. Par ailleurs, pour se positionner sur les marchés internationaux, l’Algérie doit renforcer l’organisation de sa filière oléicole et structurer son offre à l’exportation, à l’image des grands producteurs comme la Tunisie, l’Espagne, l’Italie ou la Grèce. Aujourd’hui, les opérateurs algériens évoluent de manière dispersée, ce qui limite leur capacité à fidéliser une clientèle étrangère. Le développement d’une stratégie cohérente de valorisation et de commercialisation permettra d’améliorer la présence de l’huile d’olive algérienne à l’international et de mieux exploiter le potentiel oléicole du pays.
Justement, quels leviers l’Algérie peut-elle actionner pour renforcer sa position sur le marché international de l’huile d’olive et valoriser pleinement son potentiel oléicole ?
L’Algérie, grâce à son climat méditerranéen favorable à la culture de l’olivier, dispose de tous les atouts nécessaires pour développer son secteur oléicole et s’imposer sur le marché international. Il n’existe aucune raison pour que le pays n’exploite pas pleinement cette vocation, à condition d’adopter une approche basée sur le développement des chaînes de valeur dans son économie agricole. Cependant, ce levier stratégique n’est pas encore intégré dans les réglementations encadrant la gestion des filières agricoles. Aujourd’hui, le soutien de l’État aux agriculteurs, bien que multiple, n’est pas conditionné à la structuration de ces chaînes de valeur. Or, sans elles, il est difficile de mettre en place des offres collectives, essentielles pour conquérir les marchés extérieurs, et de garantir une qualité homogène et préservée des produits. Le principal défi à relever est donc d’engager une véritable transformation du secteur oléicole, en instaurant des mécanismes de valorisation, de certification et d’organisation des producteurs. Cette démarche permettrait à l’Algérie d’améliorer la compétitivité de son huile d’olive, d’assurer une présence durable à l’international et de devenir un acteur majeur dans ce domaine.
Dans un marché où la consommation d’huile d’olive reste inégalement répartie, quels sont les principaux facteurs expliquant les perturbations des prix, et son impact en termes d’accessibilité pour les Algériens ?
Les fluctuations des prix de l’huile d’olive en Algérie sont principalement dues à plusieurs facteurs liés à la production locale, à l’évolution des coûts et au contexte du marché mondial. Concernant la production, la campagne oléicole actuelle a été marquée par une récolte particulièrement faible dans plusieurs régions, notamment à Tlemcen. Cette baisse de l’offre a directement entraîné une augmentation des prix. Par ailleurs, l’exploitation des oliveraies devient de plus en plus coûteuse, en raison de l’inflation qui touche les intrants agricoles (engrais, pesticides), la main-d’œuvre et les frais de transformation. Ces éléments influencent directement le prix final du produit. Au niveau international, les tensions sur le marché de l’huile d’olive contribuent également à la hausse des prix. À titre de comparaison, en Espagne, premier producteur mondial, le prix atteint 442 €/100 kg (soit environ 630 DA/litre), tandis qu’en Italie, il s’élève à 950 €/100 kg (environ 1.350 DA/litre). En Algérie, le prix a dépassé 1.000 DA/litre, atteignant jusqu’à 1.500 DA/litre dans certaines régions de l’Ouest (Tlemcen, Oran, Mostaganem, etc.), ce qui représente un coût important pour les ménages à revenu moyen. Cette hausse des prix a conduit à une diminution de la consommation nationale, entraînant l’accumulation de stocks invendus dans les huileries. En conséquence, de nombreux consommateurs se tournent vers des alternatives plus accessibles, notamment l’huile de graines oléagineuses, qui reste importée à 100 % malgré le soutien de l’État à cette filière.
Quelle est la place et l’importance de la filière oléicole pour l’économie agricole nationale ?
La filière oléicole occupe une place stratégique dans l’économie nationale, en contribuant directement à la sécurité alimentaire du pays. Aux côtés des céréales, du lait et de la viande, elle constitue un levier essentiel pour réduire la dépendance aux importations et mieux exploiter les ressources naturelles du pays. Grâce à son savoir-faire ancestral et à des conditions climatiques favorables, l’Algérie a tous les atouts pour faire de l’oléiculture un moteur de développement économique et social, notamment dans les régions traditionnellement productrices. Pour structurer et moderniser cette filière, plusieurs mesures doivent être mises en place. Il est nécessaire de réorganiser la production en regroupant les producteurs afin d’assurer une meilleure gestion des oliveraies. La planification et la normalisation de la production sont également essentielles pour garantir une qualité homogène et une meilleure traçabilité du produit. Par ailleurs, la protection du produit national passe par des mécanismes favorisant sa compétitivité sur les marchés intérieur et extérieur. L’État joue également un rôle clé en soutenant les agriculteurs, mais ce soutien devrait être conditionné à l’adoption de bonnes pratiques agricoles et à l’intégration dans une filière structurée. Enfin, la formalisation des activités doit être encouragée tout en préservant l’agriculture familiale, qui constitue un pilier de la production oléicole en Algérie. L’ensemble de ces mesures, mises en œuvre progressivement, permettrait d’assurer un développement durable et compétitif de la filière.
Quels sont les leviers économiques à activer pour stabiliser la filière et renforcer sa compétitivité à l’échelle régionale et internationale ?
Les principaux leviers économiques à activer reposent avant tout sur un accompagnement efficace de l’État, qui a déjà mis en place plusieurs dispositifs de soutien à la filière oléicole. Parmi ces mesures, on peut citer la contribution de l’État à hauteur de 4 millions de dinars pour l’achat d’huileries, l’attribution d’avantages fiscaux et parafiscaux, ainsi que la fourniture de plants aux agriculteurs. Ces dispositifs ont offert aux producteurs des opportunités réelles de développement, mais leurs retombées sont restées limitées. Le principal défi réside dans l’absence d’objectifs clairs et d’un suivi rigoureux de ces mesures. Sans une stratégie bien définie et des mécanismes d’évaluation, ces aides n’ont pas permis d’asseoir une économie oléicole solide, capable de peser sur le marché national et encore moins sur les marchés internationaux. C’est d’ailleurs ce qui a conduit au retrait progressif de ces dispositifs dans le cadre de la révision du Programme national de développement agricole (PNDA), en raison de résultats mitigés. Pour éviter de reproduire les erreurs du passé, il est essentiel que tout nouveau dispositif de soutien repose sur une vision structurée et des mécanismes de suivi-évaluation. L’enjeu est de s’assurer que les ressources mobilisées contribuent réellement à la modernisation de la filière, à l’amélioration de la qualité du produit et à la consolidation d’un marché oléicole compétitif, tant au niveau national qu’international.
À long terme, quel modèle de développement serait le plus adapté pour structurer durablement la filière oléicole ?
Le modèle de développement à adopter pour structurer durablement la filière oléicole ne peut être dissocié d’une approche globale de modernisation de l’ensemble du secteur agricole, tout en intégrant des spécificités propres à chaque filière. Il doit s’appuyer sur des réformes structurelles, notamment en matière d’organisation de la profession et de gestion du foncier agricole, afin de définir des objectifs de production planifiés à court, moyen et long termes. Ces réformes doivent être menées simultanément à une modernisation de l’administration agricole, aussi bien au niveau local que national, en impliquant les directions et chambres agricoles dans un rôle plus stratégique. Par ailleurs, il est essentiel de prendre en compte les particularités des différents écosystèmes agricoles du pays – agriculture steppique, saharienne, de plaine ou de montagne – afin d’adopter des solutions adaptées aux contraintes et aux opportunités de chaque région. Un tel modèle permettrait non seulement de structurer la filière oléicole de manière durable, mais aussi d’en faire un véritable levier de développement économique, en valorisant pleinement le potentiel oléicole du pays sur les marchés national et international.
En Algérie, le prix a dépassé 1.000 DA/litre, atteignant jusqu’à 1.500 DA/litre dans certaines régions de l’Ouest (Tlemcen, Oran, Mostaganem, etc.), ce qui représente un coût important pour les ménages à revenu moyen.
L’Algérie doit renforcer l’organisation de sa filière oléicole et structurer son offre à l’exportation, à l’image des grands producteurs comme la Tunisie, l’Espagne, l’Italie ou la Grèce…
Pour la campagne 2024-2025, les projections officielles situent la production entre 80.000 et 90.000 tonnes, ce qui reviendrait à une moyenne d’environ 2 litres d’huile d’olive par habitant.
Les principaux leviers économiques à activer reposent avant tout sur un accompagnement efficace de l’État, qui a déjà mis en place plusieurs dispositifs de soutien à la filière oléicole. Parmi ces mesures, on peut citer la contribution de l’État à hauteur de 4 millions de dinars pour l’achat d’huileries, l’attribution d’avantages fiscaux et parafiscaux, ainsi que la fourniture de plants aux agriculteurs.
Source : https://www.elmoudjahid.dz/