
De nombreux jardiniers constatent au printemps que leur pied de romarin se couvre de petits amas de mousse blanche, comme si cette plante aromatique avait arrêté quelques fragments d’écume échappés de l’océan. Evidemment, aucune explication marine ne peut expliquer cela lorsque cela se produit en pleine campagne, bien loin du littoral. Alors de quoi s’agit-il, d’où vient cette mousse blanche et faut-il la redouter voire la supprimer ?
Qu’est-ce que le crachat de coucou ?
Cette mousse blanche est appelée crachat de coucou même si le coucou gris (Cuculus canorus), l’oiseau voleur de nid qui chante au printemps n’a rien à voir dans ce saccage, pas plus que le coucou (Primula veris) la primevère sauvage aux ombelles de fleurs jaunes qui s’épanouissent au printemps au bord des chemins. Justement, le printemps coïncide à la saison où cette mousse apparait sur les pieds de romarin.
Dans le langage courant, on appelle cette mousse « écume printanière », « crachat de crapaud » ou « crachat de coucou » très certainement parce qu’elle apparait au printemps, à la même période que le chant du coucou ou que le coassement du crapaud qui cherche à se reproduire, et qu’elle ressemble un peu à de la salive ou du crachat. Mais on la nomme aussi crachat de Marie sans réelle explication…
Ce n’est pas un vrai crachat, bien sûr, cette substance mousseuse blanche ou jaunâtre qu’on trouve souvent sur les tiges ou les feuilles du romarin mais aussi d’autres plantes comme la lavande ou les roses trémières par exemple, au printemps et en été, est produite par une larve d’insecte : la cicadelle.
La cicadelle écumeuse, à l’origine du crachat de coucou
La cicadelle écumeuse (Philaenus spumarius) appelée aussi cercope des prés ou philène spumeuse, est un petit insecte très commun de l’ordre des Hémiptères et de la famille des Aphrophoridés, qui mesure entre 5 et 7mm de long. La tête ainsi que le pronotum, qui a la même largeur, ne comptent pas de carène médiane. Son corps ovale à la très fine pilosité, avec ses ailes convexes, se pare de couleurs très variables, selon les individus, avec des teintes qui vont du jaunâtre au brun plus ou moins foncé en passant par des tons de gris. Quant aux motifs, ils peuvent former des taches très contrastées, mais être quasiment inexistants aussi parfois, rendant l’insecte presque unicolore.
Ces insectes adultes pourvus d’un coloris « camouflage » s’observent dans nos jardins, parcs et zones enherbées ou en friches, de juin à octobre environ. Toutefois, les « observer » n’a rien d’évident car ils sautent brusquement, comme des criquets, lorsqu’ils se sentent dérangés et vous n’avez guère le temps de les voir.
La cicadelle écumeuse pond ses œufs en fin d’été, dès septembre, dans les tiges des plantes, discrètement, mais en grand nombre, par groupes.
Mais ce n’est qu’au printemps que l’éclosion a lieu et que les larves s’observent : elles sont bien plus facilement repérables que les adultes. En effet, ce sont les larves qui se cachent au milieu de ces crachats de coucou, cette masse d’écume qu’elles produisent elles-mêmes en injectant de l’air dans leurs déjections.
Cette mousse, très visible, est en fait un cocon protecteur pour la larve de la cicadelle qui devient hors de vue des prédateurs et se trouve à l’abri de la chaleur et de la déshydratation. À l’intérieur de cette masse spongieuse, souvent située à l’aisselle des feuilles, la larve vit, se développe, passant d’un stade larvaire à l’autre (5 au total), tout en se nourrissant de la sève de la plante en la piquant.

Les adultes ne causent aucun dégât direct, ce qui n’est pas le cas des larves du cercope des prés : en tant qu’insectes piqueurs-suceurs de sève, les larves laissent un feuillage parsemé de petits points jaunes qui sont autant de piqûres destinées à se nourrir.
Si la présence de ces larves reste modérée, les dommages seront minimes dans la plupart des cas, sauf si l’infestation est très importante, auquel cas cela peut se traduire par un jaunissement, un dessèchement et un dépérissement de la plante.
A noter également que toutes ces piqûres faites par le stylet des larves dans le tissu xylémique des plantes, constituent des blessures qui sont autant de portes d’entrée pour des ravageurs tels que la bactérie Xylella fastidiosa, tueuse des oliviers. Pour cette raison notamment, mieux vaut éviter de laisser prospérer la cicadelle écumeuse.
Comment traiter le crachat de coucou ?
Puisque ces larves qui piquent les plantes pour sucer leur sève n’a rien de très décoratif et peut même favoriser le développement de parasites, mieux vaut s’en débarrasser. Et pour ce faire, rien de bien compliqué, surtout si seul votre pied de romarin se trouve attaqué.
Prenez votre tuyau de jardin, réglez la pomme d’arrosage sur le jet d’eau le plus puissant et passez-le sur chaque crachat de coucou qui se trouvera détruit aussitôt. Ainsi mise à nu, la larve ne survivra pas.
S’il n’y a que 3 ou 4 crachats de coucou à déloger, vous pouvez le faire manuellement, en les supprimant avec vos doigts. Le résultat sera le même pour les larves se retrouvant sans protection, elles mourront.
A l’inverse, si vous faites face à une belle infestation sur de nombreuses plantes, vous pouvez compléter le nettoyage au jet d’eau par une pulvérisation à base de savon noir. La préparation est la même que la recette de l’anti-pucerons 100% bio et naturelle : mélangez 5 cuillères à soupe de savon noir liquide (ou 2 cuillères à soupe s’il s’agit de savon noir mou ou en pâte) dans 1 litre d’eau tiède pour faciliter la dilution, puis mélangez bien et attendez le complet refroidissement pour pulvériser. Vaporisez le matin ou en soirée, pour éviter le plein soleil, et renouvelez l’opération quelques jours après si nécessaire.
Comment prévenir le développement du crachat de coucou ?
Même si le crachat de coucou reste peu nuisible en général, on peut vouloir le limiter simplement pour des raisons esthétiques. Et la seule façon de prévenir son apparition consiste à favoriser la présence d’auxiliaires du jardin qui apparaissent comme des prédateurs naturels des diverses cicadelles dont la cicadelle écumeuse : mésange bleue et autres oiseaux insectivores, lézards, coccinelles, araignées…
Il ne vous reste plus qu’à fabriquer un hôtel à insectes que vous installerez dans votre jardin, que vous pourrez faire à votre goût et à la dimension souhaitée. Et si vous aimez bricoler, construisez un nichoir à oiseau en veillant à faire un trou d’entrée de 25 à 30mm de diamètre seulement pour que des mésanges viennent s’installer : vous aurez le plaisir d’observer leur ballet tout en étant débarrassé des crachats de coucou, entre autres !
Source : https://jardinage.lemonde.fr/