
L’inflation et les mauvaises récoltes ont fait bondir le prix de l’huile d’olive à l’épicerie, poussant de plus en plus de Québécois à la remplacer par des huiles moins dispendieuses. Les producteurs d’ici en ont aussi fait les frais, et espèrent que les plus récentes récoltes, bien meilleures, pourraient enfin mettre un terme à cette hausse vertigineuse.
« L’huile d’olive était déjà un peu plus chère que les autres, mais là, c’est presque devenu un produit de luxe », lance Sylvain Charlebois, directeur principal du laboratoire de sciences analytiques en agroalimentaires de l’Université Dalhousie.
En seulement trois ans, le prix moyen du litre d’huile d’olive a doublé au Québec, passant de 9 $ en octobre 2021 à 18 $ en octobre dernier. La dernière fois qu’il est passé sous la barre des 8 $ remonte à mars 2021, d’après Statistique Canada. https://datawrapper.dwcdn.net/rwLvo/1/
Augmentation du prix de l’huile d’olive au Québec
Prix moyen mensuel par litre

Il faut dire que les récoltes d’olives en Europe — qui produit les deux tiers de l’huile d’olive consommée dans le monde — ont été particulièrement mauvaises lors des saisons 2022-2023 et 2023-2024 en raison de la multiplication des sécheresses.
Parmi les plus gros producteurs, l’Espagne a produit seulement 620 000 tonnes d’huile d’olive durant la récolte de 2022-2023, contre 1,5 million de tonnes l’année précédente, donne en exemple M. Charlebois.
Moins de ventes
Avec moins d’huile d’olive sur le marché et une demande mondiale qui se maintient, les prix se sont ainsi inévitablement envolés en épicerie. Dans un contexte inflationniste, plusieurs Québécois ont alors préféré réduire leur consommation de ce produit et se tourner vers une autre huile végétale plus abordable.
« En volume, on a vendu moins d’huile d’olive extra-vierge en 2024 que les cinq années précédentes. Les prix plus élevés ont à peine amorti les pertes », constate Élisabeth Bélanger, présidente-directrice générale de la Maison Orphée, dont les produits se retrouvent sur les rayons de la plupart des grandes bannières.
« On mange de la marge depuis deux ans. On aurait dû augmenter davantage, mais on a été pris avec des enjeux de négociations avec les grandes chaînes », indique avec regret Mme Bélanger, précisant avoir augmenté le coût de ses produits de seulement 45 % en deux ans, pendant que ses concurrents doublaient les leurs.
En contrepartie, elle a vu ses ventes d’huile de tournesol et d’avocat augmenter dans la dernière année. Elle propose aussi un tout nouveau produit à ses clients depuis 2023, « l’huile parfaite », qui est un mélange d’huile d’olive, de sésame, de lin, de tournesol et de canola. « Ça permet d’avoir un prix intéressant, moins cher pour les consommateurs. »
Daniel Dubé, fondateur de la ferme Pré rieur, a quant à lui vu augmenter les ventes de son huile de tournesol dans la dernière année. « Ce qui nous frappe surtout, c’est que dans les salons, on rencontre des gens habitués à l’huile d’olive, mais qui cherchent des alternatives parce que c’est devenu trop cher », souligne-t-il.
Limiter la hausse
D’autres entreprises, comme Olives et gourmandises, qui se spécialisent surtout dans l’huile d’olive, ont plutôt cherché à couper dans les frais connexes pour éviter de trop augmenter le prix de leurs produits et ainsi garder leurs clients. « J’achète en plus grande quantité pour avoir de meilleurs prix. Je négocie le prix des bouteilles, des bouchons et des étiquettes. On regarde aussi pour gagner du temps d’embouteillage en investissant dans une machine pour les bouchons », explique la copropriétaire Catherine Veilleux.
La stratégie est sensiblement la même du côté de l’entreprise Sous les oliviers. La fondatrice, Josée Nadeau, s’est même rendue en Italie en juin pour trouver de nouveaux producteurs offrant de meilleurs prix.
Une baisse des prix ?
« La bonne nouvelle, c’est qu’on voit enfin de la lumière au bout du tunnel », lance soulagée Élisabeth Bélanger, de la Maison Orphée.
Les récoltes de la dernière saison en Europe sont très bonnes, ce qui devrait calmer les prix sur le marché. « Les prix au gros devraient diminuer de 50 %. On peut donc s’attendre à moins de pression sur les prix au détail. Les prix vont arrêter d’augmenter et même diminuer en épicerie. C’est déjà le cas en Europe », indique Sylvain Charlebois.
Ce sera du moins le cas pour les plus grandes bannières, qui ont négocié leurs contrats à l’avance. La situation risque d’être plus difficile pour les petits producteurs indépendants, selon lui.
Catherine Veilleux, d’Olives et gourmandises, craint en effet que la baisse des prix ne puisse se refléter sur le marché local. « Notre taux de change n’est vraiment pas avantageux en ce moment, la valeur du dollar canadien a baissé. Ça va nous toucher les prochains mois quand on va acheter en Europe », estime-t-elle.
« C’est sûr que la situation est inquiétante pour l’avenir. Avec les changements climatiques, on doit s’attendre à vivre de bonnes et de moins bonnes années dans notre milieu, renchérit Josée Nadeau de Sous les oliviers. Mais je suis une éternelle optimiste. Ça ne va pas mal partout en même temps dans le monde, on peut changer de producteurs et trouver collectivement des solutions. »
Source : https://www.ledevoir.com/