
Le musc animal faisait partie des matières premières animales utilisées en parfumerie, au même titre que la civette, le castoréum, l’ambre gris et l’hyraceum. Le musc est désormais interdit en parfumerie et il existe aujourd’hui, de nombreuses alternatives pour ne pas avoir à utiliser ces notes animales naturelles.
Histoire des notes animales
Découvertes en 330 ans av. J.-C. par Alexandre le Grand, les notes animales deviennent dès lors très utilisées par les parfumeurs, qui apprécient leurs arômes imposants, et qui résistent très bien à l’évaporation.
Même quand on les associait à des senteurs légères et délicates, les notes animales étaient utilisées en très faible quantité dans les fragrances. Elles donnaient ainsi beaucoup de douceur et de raffinement aux parfums, sans que leur présence ne soit remarquée.
Les matières premières animales, utilisées par les Égyptiens et par certaines peuplades, étaient surtout présentes dans la grande majorité des parfums du début du 20ème siècle. Très tenaces, ces notes servaient alors de fixateurs, s’associant aux notes de fond (qui s’évaporent très progressivement, et prolongent la senteur du parfum). Les notes animales permettaient notamment d’apporter un côté très sensuel aux parfums.
Le musc est une substance sécrétée par les glandes abdominales (dans un organe situé entre l’ombilic et le pénis), des mâles cerfs porte-musc, aussi appelés « chevrotains porte-musc », durant la période de reproduction. Il existe trois espèces de chevrotains porte-musc : le porte-musc de Sibérie, le porte-musc de l’Himalaya, et le porte-musc noir.
Le chevrotain porte-musc
Cet animal ressemble à un chevreuil d’environ 80 à 100 cm de longueur, et 50 à 70 cm de hauteur au garrot, et pèse entre 10 et 17 kg. Seul le mâle est chassé, la femelle ne pouvant pas produire de musc.
La chasse du chevrotain porte-musc était pratiquée de manière intensive dans les années 1960-1970. Ce sport était très lucratif (le prix du musc s’élevait de 300 à 400 000 francs le kg). Par ailleurs, le cuir de l’animal était utilisé par les Tibétains pour la confection de petits sacs, et son poil était réservé au bourrage des meilleurs matelas et oreillers dont se servaient les empereurs chinois. En Asie, il existe encore une grande demande de cette substance, à laquelle on accorde des propriétés aphrodisiaques. Le liquide dilué est même bu à la paille au comptoir de certains bars locaux. La substance aurait d’ailleurs des vertus curatives contre l’impuissance, et serait efficace pour réduire les problèmes cardiaques. Voici pourquoi le musc reste souvent associé dans les esprits à une notion de sensualité, de ténacité et de sillage.
Protection du chevrotain porte-musc
Même s’il est aujourd’hui protégé, car actuellement en voie de disparition, le chevrotain est malheureusement encore braconné.
Cependant, des mesures ont été prises, et le commerce du musc est aujourd’hui contrôlé par la convention sur le commerce international des espèces menacées de la flore et de la faune sauvage (CITES : Convention on International Trade of Endangered Species) signée à Washington le 3/03/1973. Le but de cette convention est d’établir des contrôles à échelle mondiale sur le commerce des animaux et végétaux sauvages et de leurs produits.
Par ailleurs, en 1988, un élevage en captivité a été mis en place en Chine pour obtenir du musc sans tuer l’animal. L’animal peut fournir du musc 10 à 12 fois dans sa vie. L’extraction du musc était conseillée une fois par an sur les chevrotains âgés de 2 ans et demi à 8 ans.
Toutefois, malgré tous ces efforts pour préserver l’existence du chevrotain porte-musc, il apparaît que les élevages n’étaient pas une bonne solution. En effet, le chevrotain est une espèce solitaire qui se reproduit mal en captivité. De plus, la surpopulation donne lieu à des combats entre mâles. Il a aussi été prouvé que le chevrotain élevé seul produit un meilleur musc.
Utilisation du musc animal en parfumerie
Le musc animal et le musc blanc
Par ailleurs, la senteur du musc utilisé en parfumerie se rapprocherait d’une odeur de fumet de café noir, et même de fleurs, avec des notes musquées de synthèse : à ne pas confondre avec la senteur du musc animal, qui possède une odeur un peu bestiale, très forte. Pour cette raison, afin d’éviter toute confusion, les muscs de synthèse sont appelés « muscs blancs ». Les notes musquées (ou musc blanc) sont des notes de fond dans ces parfums.
Technique d’extraction du musc
L’extraction du musc se fait par une lubrification de la poche, dans laquelle on fait pénétrer une sorte de cuillère en argent qui permet d’en extraire doucement les grains. Cependant, cette méthode pratiquée dans le passé n’était pas très satisfaisante, et était pratiquée sur l’animal sans anesthésie.
Utilisation de la teinture de musc en parfumerie
Afin d’être utilisé dans un parfum, le musc animal était traité sous forme de teintures. À partir du musc en grains, il fallait tout d’abord préparer des teintures à froid et, plus rarement, des infusions à chaud par l’alcool à 96°. Ces produits se bonifiaient alors en vieillissant dans d’énormes flacons appelés les « Dames-Jeannes », pendant une période d’au moins 18 mois. La Muscone est le constituant caractéristique du musc naturel (présent de 0.5 % à 2 %).
Le commerce distingue différentes qualités de musc :
– Musc Tonkin* (provenant de la chasse en Chine, Tibet, Mongolie et Cachemire)
– Musc Assam
– Musc Kabardin (la moins bonne qualité, quatre fois moins puissante que le musc Tonkin)
– Musc Tawpee
– Musc Yunnan
– Musc Bouchara
* Le musc Tonkin est un type musc prélevé sur le chevrotain porte-musc de l’Himalaya, qui vit à plus de 2 000 mètres d’altitude dans le nord de l’Inde. Très tôt introduit en Europe, cet animal assez sédentaire se nourrit de feuilles, de fleurs, de champignons, de mousses et de lichens.
Falsification du musc animal
Le musc, très intéressant d’un point de vue lucratif, fut l’objet de nombreuses falsifications. Des mains habiles ouvraient la poche et vidaient le précieux produit en la remplissant avec des agents de falsification (terre, sang séché, foie, poils séchés, fumier, morceaux de plomb, feuilles de thé infusées…). Initialement acheté sous forme de poches, le musc fut ensuite acheté en grains.
Le musc possède une consistance mielleuse, et une couleur rouge brunâtre qui durcit rapidement une fois qu’il se trouve hors de la poche. Les muscs de qualité sont doux au toucher et de couleur brun noirâtre. Les poches de bonne qualité donnent 70 % de musc en grains, contre 40 à 60 % pour les mauvaises.
Dans ce musc animal, il a été trouvé de nombreuses molécules qui ont permis d’obtenir de nombreuses notes musquées (reproduites en synthèse et appelées « muscs blancs » (cf. Facette musquée). Les muscs blancs ne sont pas interdits, mais réglementés.
Les différentes matières premières animales sont désormais prohibées suite à l’action de WWF. Néanmoins, quelques labels continuent d’y recourir, surtout des fabricants du Moyen-Orient pour des productions à l’échelle locale.
Aujourd’hui, de nombreuses alternatives existent pour ne pas avoir à utiliser ces notes animales naturelles, telles que :
– Les muscs de synthèse, dont la muscone
– Les notes animales contenues dans le jasmin : l’indole
– Le paracrésol
– Les muscs végétaux comme l’ambrette
– Les notes végétales, avec des notes légèrement « sales » comme le cumin, le costus, le ciste labdanum, la sauge, le cèdre atlas, l’hysope, l’osmanthus, les notes cuir, etc
Source : https://www.sylvaine-delacourte.com/