
À près de 12.000 dollars la tonne au 31 décembre, le prix du cacao a grimpé de 170 % en 2024. Cette hausse est largement liée au dérèglement climatique, qui a engendré de mauvaises récoltes en Côte d’Ivoire et au Ghana, et à la spéculation.
Calendriers de l’avent, ballotins de chocolat, papillotes ou rochers enrobés de cacao… La saison tout juste terminée des fêtes de fin d’année a été l’occasion de nombreux excès sucrés et chocolatés pour les consommateurs. Enfin, peut-être pas tous. Car le prix de l’or brun a flambé en 2024, plus que n’importe quelle autre matière première agricole. Si les grands indices à Wall Street ont pu s’enorgueillir de progressions à deux chiffres, dont 28,6% pour le Nasdaq Composite, emmené par la folle cavalcade boursière des « Sept Magnifiques », le cacao, plus discret, a pratiquement triplé, s’envolant de 178% en douze mois, à 11.675 dollars la tonne au 31 décembre. Quelques jours plus tôt, elle se négociait même à 12.565 dollars sur le marché à terme de New York, encore plus haut que son précédent record d’avril, à quasiment 12.000 dollars.
Prisé des petits et des grands, le cacao a vu ses cours dérégler par le changement climatique, qui a miné les récoltes du Ghana et de la Côte d’Ivoire, les deux principaux producteurs d’Afrique de l’Ouest, pourvoyeurs de quelque 70 % de la matière première à l’échelle de la planète. Accra comme Yamoussoukro s’efforcent tant bien que mal d’honorer les contrats qu’ils ont été contraints de reconduire lors de la saison dernière. « Il semble que rien n’ait été réglé du côté de l’offre et nous sommes à deux doigts d’un quatrième déficit consécutif, affirmait récemment Vladimir Zientek de StoneX Group à l’agence Bloomberg. En cas de chute, aurons-nous vraiment assez de cacao pour honorer les anciens contrats et les nouveaux vendus à terme ? », s’interrogeait-il. Les conditions météo, notamment les vents de l’Harmattan, qui modifient les précipitations et l’humidité ainsi que la température de l’air à des niveaux parfois stressants, devraient saper la saison cacaoyère en cours en Afrique de l’Ouest. Et entraîner une baisse des stocks mondiaux, déjà tombés au plus-bas depuis 36 ans, en même temps qu’une hausse de la pression sur les acheteurs et chocolatiers. Et comme si l’élément déstabilisation de la météo ne suffisait pas, il a fallu que les spéculateurs, toujours avides des « bons coups », s’en mêlent. « La financiarisation des matières premières génère beaucoup de spéculation, déplorait le président de la Confédération des chocolatiers et des confiseurs de France (CCCF), Thierry Lalet, que nous avons rencontré en décembre lors du Salon du chocolat à Paris. La multiplication d’intermédiaires, avides de gains, provoque de fortes fluctuations, au détriment des producteurs. »
Confrontés à des prix records, de nombreux intervenants se contentent désormais de couvrir leurs stocks entrants dans l’attente de jours meilleurs. Maintenir des positions courtes est devenu « significativement plus cher », au point que certains acheteurs « n’ont pas la capacité ou la volonté de refinancer ces positions perdantes », indique Stephen Butler chez ChAI, une plateforme qui utilise l’IA pour décrypter les marchés des matières premières. Réduite, la liquidité a rendu le marché encore plus vulnérable aux fluctuations.
Alors que les cours du cacao sont au sommet, l’augmentation du beurre de cacao – autre ingrédient clé du chocolat – a été tempérée par la baisse de la demande, selon les données de KnowledgeCharts, ce qui pourrait limiter la hausse du prix de la tablette de chocolat en 2025. A ce stade, l’évolution de la demande est incertaine. Les données du broyage pour le quatrième trimestre seront surveillées comme le lait sur le feu lors de leur publication, mi-janvier.
Source : https://investir.lesechos.fr/