

L’Observatoire tunisien de l’économie (OTE) a tiré la sonnette d’alarme dans une note récente, estimant que les nouvelles mesures protectionnistes américaines pourraient avoir un impact significatif sur les recettes d’exportation de la Tunisie, notamment dans le secteur de l’huile d’olive, un pilier des exportations agricoles du pays.
Depuis l’entrée en vigueur, le 2 avril 2025, de droits de douane supplémentaires de 10 % sur toutes les importations aux États-Unis, accompagnés de taux différenciés par pays, la Tunisie subit un taux punitif particulièrement élevé de 28 %. Il s’agit du cinquième taux le plus important appliqué à un pays de la région MENA. Cette décision, prise par l’administration américaine, affecte directement un secteur stratégique pour la Tunisie : l’oléiculture.
Un produit phare durement touché
L’huile d’olive représente à elle seule 59 % des exportations tunisiennes vers les États-Unis, un pays qui figure parmi les trois plus grands importateurs mondiaux de ce produit. La Tunisie, avec 15 % de parts de marché, y occupe le troisième rang des fournisseurs. Toutefois, l’instauration de ces barrières douanières menace cette position acquise de haute lutte.
Les conséquences sont déjà tangibles : selon les données de l’Observatoire national de l’agriculture, les recettes issues de l’exportation d’huile d’olive ont chuté de 29,3 % au cours des sept premiers mois de la campagne 2024-2025.
Le choc commercial est d’autant plus inquiétant que les exportations tunisiennes vers les États-Unis avaient enregistré une croissance impressionnante de 144 % entre 2020 et 2024, générant un excédent commercial de 215,8 millions de dinars en 2024.
Les États-Unis étaient alors devenus le sixième marché à l’export pour la Tunisie, représentant plus de 3 % de la valeur totale des exportations nationales.
Les répercussions ne s’arrêtent pas là. La politique américaine touche indirectement la Tunisie via ses principaux partenaires européens. L’Italie et l’Espagne, qui figurent parmi les premiers fournisseurs d’huile d’olive aux États-Unis, réduisent leurs importations tunisiennes, affectées elles-mêmes par des contraintes similaires dans leurs échanges avec Washington. Cette double peine limite les débouchés traditionnels pour les producteurs tunisiens.
Par ailleurs, les exportations tunisiennes d’engrais figurent également parmi les victimes collatérales de ces droits additionnels.
Recours juridique en cours
Le 28 mai 2025, la Cour internationale du commerce a tenté de stopper l’escalade en annulant cette décision tarifaire américaine. Toutefois, la cour d’appel a suspendu cette annulation, prolongeant l’application des taxes jusqu’au 31 juillet 2025, date attendue pour un jugement définitif.
D’ici là, les exportateurs tunisiens devront composer avec des marges réduites et une compétitivité affaiblie.
Quelle stratégie pour la Tunisie ?
Face à ces bouleversements, l’OTE recommande une diversification urgente des marchés d’exportation, notamment vers l’Afrique et l’Asie, tout en encourageant les échanges avec les pays où la Tunisie affiche un déficit commercial. Il s’agit aussi de réduire la dépendance excessive à quelques produits phares et marchés ciblés, en misant sur une stratégie commerciale plus équilibrée et résiliente.
À plus long terme, l’Observatoire insiste sur la nécessité de revoir en profondeur le modèle exportateur national, en privilégiant des chaînes de valeur à plus forte valeur ajoutée et en limitant les importations non essentielles, dans une optique de souveraineté économique.
Ainsi, la crise actuelle autour de l’huile d’olive tunisienne rappelle à quel point les tensions commerciales mondiales peuvent fragiliser une économie aussi ouverte que celle de la Tunisie.
Si la justice internationale peut encore inverser la tendance, le pays doit d’ores et déjà envisager une réorientation stratégique de son commerce extérieur pour éviter de futurs chocs similaires.
La diplomatie économique et la diversification des partenaires seront, plus que jamais, au cœur des enjeux pour préserver les acquis du secteur agricole tunisien.
Source : https://www.tunisienumerique.com/