

Dans un contexte de tensions sur les marchés agricoles mondiaux et de flambée des prix, l’Égypte et l’Algérie ont entamé un virage stratégique : développer massivement la culture de la betterave sucrière pour réduire leur dépendance aux importations.
Objectif : atteindre une autosuffisance alimentaire en sucre tout en valorisant des terres agricoles peu exploitées.
L’Égypte : un modèle d’autosuffisance en construction
Avec environ 630 000 acres de betterave sucrière cultivés, l’Égypte est devenue un acteur majeur de la production régionale. Elle produit 1,8 million de tonnes de sucre de betterave et 900 000 tonnes de sucre de canne, couvrant ainsi 90 % de ses besoins annuels.
Parmi les projets phares, le Canal Sugar Project se démarque : 76 000 hectares seront cultivés pour réduire de 75 % les importations de sucre. Le gouvernement égyptien soutient cette ambition à travers des subventions, des semences gratuites et des primes à la qualité, incitant les agriculteurs à s’orienter vers cette culture stratégique.
L’Algérie : diversifier pour réduire la facture
L’Algérie suit une trajectoire similaire. Le gouvernement a lancé des programmes de soutien à la culture de la betterave dans plusieurs régions du nord du pays.
Fourniture de semences locales adaptées, encadrement des agriculteurs, investissements dans la chaîne de transformation : tout est mis en œuvre pour construire une filière nationale et réduire la facture d’importation du sucre, estimée à plusieurs centaines de millions de dollars chaque année.
La betterave sucrière dans le monde : un pilier de la sécurité alimentaire
La betterave sucrière représente environ 20 % de la production mondiale de sucre, contre 80 % pour la canne à sucre. Elle offre un rendement élevé, une résilience climatique importante et un effet positif sur la fertilité des sols. Elle est particulièrement adaptée aux zones tempérées, ce qui en fait une solution pertinente pour les pays méditerranéens.
Selon la FAO, le classement mondial des producteurs de betteraves sucrières est le suivant :
| Rang | Pays | Produition annuelle |
| 1 | Russie | 41,2 millions T |
| 2 | France | 34,4 millions T |
| 3 | États-Unis | 33,3 millions T |
| 4 | Allemagne | 31,9 millions T |
| 5 | Turquie | 18,2 millions T |
| 6 | Pologne | 15,2 millions T |
Tunisie : une filière en jachère à activer
La Tunisie reste aujourd’hui dépendante à plus de 90 % des importations pour couvrir ses besoins en sucre. Pourtant, le pays dispose de terres agricoles propices, notamment dans le nord-ouest, le centre, et au sud, là où les terres salines pourraient être valorisées avec des variétés adaptées de betteraves.
L’introduction de technologies modernes, le recours à l’irrigation goutte-à-goutte, l’accès à des semences performantes et des politiques incitatives pourraient permettre le développement d’une filière sucrière locale, à fort potentiel économique et social.
Analyse stratégique : pourquoi la Tunisie doit agir maintenant ?
Alors que l’instabilité des marchés mondiaux fragilise l’accès à des produits alimentaires de base, la Tunisie doit considérer la betterave sucrière comme un levier stratégique à la croisée de plusieurs enjeux :
– Souveraineté alimentaire : réduire la vulnérabilité aux chocs extérieurs.
– Économie circulaire agricole : réutilisation des sous-produits, valorisation des terres marginales.
– Création d’emploi rural : développement de chaînes de valeur régionales.
– Export potentiel : positionnement futur sur le marché maghrébin.
L’Égypte et l’Algérie montrent qu’il est possible, avec un pilotage volontariste et une vision industrielle, de transformer un produit de dépendance en levier d’indépendance.
La Tunisie ne manque ni de ressources naturelles, ni de compétences. Il ne lui reste qu’à structurer sa stratégie pour faire de la betterave sucrière un pilier de son avenir agricole.
Source : https://www.tunisienumerique.com/