Vous connaissez le sucré, le salé, l’acide et l’amer… Mais connaissez-vous l’umami ? Cette cinquième saveur, reconue d’abord au Japon, l’est maintenant dans le monde entier. Mais quel est ce goût mystérieux ?
François-Régis Gaudry est journaliste, critique gastronomique, il présente l’émission « On va déguster » chaque dimanche entre 11h et midi sur France Inter. Son dernier livre, Recettes et Récits, Les meilleures recettes sont celles qui se partagent, est sorti éditions Marabout. Il décrypte dans l’émission l’umami, un terme culinaire dont on entend beaucoup parler.
Révolution gastronomique ou simple mode ? Comment définir l’umami ? Est-ce qu’on le trouve surtout dans la nourriture asiatique ? Est-ce que cet acide aminé peut-être néfaste pour la santé ? Et pourrait-on découvrir encore d’autres goûts ?
D’où nous vient l’umami ?
Au début du 20e siècle, au Japon, Kikunae Ikeda, professeur au département de chimie de l’École des sciences de l’Université impériale – l’Université de Tokyo –, revient au pays après des études en Allemagne et au Royaume-Uni. Là-bas, il aurait détecté un autre goût que ceux que nous connaissons, à savoir le sucré, le salé, l’acide et l’amer. De retour à Tokyo, ce chimiste de formation se met en quête de l’origine de cet autre goût, avec une question en tête : pourquoi le dashi, un bouillon à base d’algue kombu, a-t-il un goût si particulier que rien ne permet d’expliquer ?
En analysant cette algue, le kombu, il découvre un acide aminé qui répond au doux nom de glutamate monosodique : le MSG ou le GSM, nom officiel, E621. Ce glutamate monosodique se trouve dans de nombreux aliments, c’est ce qu’on appelle un “agent de saveur” ou “exhausteur de goût”. Ce goût, Kikunae Ikeda décide de lui donner un petit nom : “umami”, néologisme fabriqué de deux mots : “umai”, qui veut dire “délicieux” et “mi” qui veut dire “goût” et c’est ainsi qu’on découvre le “goût délicieux” en 1908 au Japon. Il faudra attendre près d’un siècle pour que cet umami soit reconnu en Occident, comme un goût fondamental, au même titre que les quatre autres.
À la recherche de l’umami
François-Régis Gaudry explique qu’on ne l’apprend pas à l’école comme les autres goûts. Et pourtant, l’umami n’est pas présent qu’au Japon, même si le mot est japonais. Cette cinquième saveur est tout à fait universelle et commune à de très nombreuses civilisations culinaires.
Pour lui, on peut tous s’exercer, s’entraîner pour essayer de l’identifier quand on goûte des légumes bruts, parfois des légumes fermentés ou des sauces, des condiments, du fromage, etc. L’umami, on a souvent tendance à le confondre avec le sel alors que ce n’est pas tout à fait la même chose. Il ajoute qu’un grand nombre de grands vins comportent de l’umami. Il le décrit ainsi : « C’est tout ce qui relève du savoureux, de la sapidité peut-être. Moi, j’ai envie de parler aussi d’intensité, de persistance et de profondeur de goût. »
Dans quels aliments y a-t-il de l’umami ?
François-Régis Gaudry explique que l’umami est présent dans des produits bruts : « Ça passe très souvent, étonnamment, par des produits végétaux, du brocoli, des champignons de Paris… On parle de produits crus, qui ont vraiment de l’umami à l’état naturel, mais aussi une tomate fraîche, une tomate séchée parce qu’évidemment, quand on fait sécher la tomate, on intensifie sa teneur en umami. Vous avez également de l’umami dans l’asperge, dans le petit pois, autant de légumes qu’on apprécie beaucoup, précisément parce qu’ils apportent une espèce de bien-être gustatif. »
Il explique ensuite que l’umami se développe beaucoup dans des produits transformés : « Ce peut être évidemment le fameux coup de la viande cuite. Lorsque vous prenez un steak, vous mangez un carpaccio, la viande a un certain goût. Et dès que vous la grillez sur une plancha ou un barbecue, il y a une caramélisation qui s’opère à la surface de la viande – qu’on appelle la fameuse réaction de Maillard – et la transformation des protéines engendre justement des acides aminés qui sont porteurs de glutamate de sodium. Une viande très grillée au barbecue comporte cet umami qui est extrêmement satisfaisant en bouche. Donc la cuisson est un agent d’umami. » Il y a aussi de l’umami dans les produits fermentés : « La sauce soja contient énormément d’umami et ça, ça permet d’apporter beaucoup de relief et beaucoup d’intensité gustative à du riz, à de la viande, à du poisson. » Mais l’umami est aussi présent dans certaines sauces françaises.
L’umami peut être un piège, en additif
L’umami est aussi quelque chose de chimique que l’on peut isoler. « Le problème, c’est un peu comme si vous aviez un artisan de la photo qui tout d’un coup utilise l’intelligence artificielle pour améliorer sa photo, eh bien là on est un peu dans la même idée en fait. C’est une espèce de cache-misère. Le glutamate monosodique que vous trouvez dans des ingrédients comme les chips, comme les gâteaux apéritifs, ou quelque chose qu’on voit beaucoup au Japon, l’Ajinomoto – une espèce de poudre blanche –, ça ressemble à une drogue en fait. Cette poudre est utilisée dans certains restaurants asiatiques par exemple, pour booster certains bouillons, exactement comme du sel. Ça permet de donner du relief à des plats qui manquent un peu de qualité. »
Pour François-Régis Gaudry, il faut une réglementation stricte : « Prenez par exemple l’alimentation bio, elle interdit l’usage d’additifs alimentaires umami. Elle interdit l’usage de glutamate monosodique, de glutamate monopotassique, de diglutamate de sodium, et j’en passe… »
Source : https://www.radiofrance.fr/